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Palantir a secrètement mis en place un programme de prédiction des crimes à La Nouvelle-Orléans

Depuis 2012, la société privée Palantir travaille aux côtés de la police de La Nouvelle-Orléans afin de mettre en place un programme de prédiction du crime. Les élus de la ville n’étaient pas au courant. Bienvenue dans Minority Report.

Palantir à la rescousse après Katrina

Pour rappel, Palantir Technologies est une société américaine spécialisée dans l’analyse et la science des données. Co-fondé en 2004 par l’entrepreneur Peter Thiel, l’entreprise travaille aux côtés de bon nombre d’agences du renseignement française et américaine. De fait, elle a des contrats avec l’US Air Force, la NSA, la CIA ou encore le FBI. En France, elle travaillerait auprès du service de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) depuis 2016. Si elle s’est diversifiée dans d’autres secteurs tels que la santé ou la finance, son créneau principal reste tout de même le big data pour les renseignements. L’un de ses logiciels est par exemple utilisé depuis des années par le Pentagone pour prédire l’emplacement d’engins explosifs en Afghanistan et en Irak. Grâce à la technologie qu’elle a mise au point, l’entreprise est capable de traiter et d’analyser des masses de données afin d’en ressortir des informations spécifiques. C’est justement ce qui a été mise en lumière dans une enquête réalisée par The Verge et publiée le 27 février.

Réalisé en partenariat avec The Investigate Fund, l’article décrit comment la police de La Nouvelle-Orléans a utilisé les outils de Palantir Technologies afin d’espérer faire baisser le taux de criminalité de la ville.

En août 2005, l’ouragan Katrina débarque brutalement sur l’État de Louisiane et provoque deux brèches dans la digue du lac Pontchartrain, situé à côté de La Nouvelle-Orléans. Les conséquences à long terme seront désastreuses pour la ville. Outre les considérations économiques et sociales, les crimes n’ont fait qu’augmenter depuis Katrina, à tel point que La Nouvelle-Orléans a été considérée par le Time en 2009 comme étant l’une des villes les plus dangereuses du monde. C’est dans ce climat de criminalité endémique qu’a débuté la collaboration entre l’entreprise technologie Palantir et la police de La Nouvelle-Orléans (baptisée NOPD).

Depuis 2012, les autorités ont un accès gratuit au logiciel d’analyse de données. À cette époque, l’objectif est clair : mettre en place un programme de maintien de l’ordre basé sur la prédiction. Si la collaboration entre les deux entités n’a pas été rendue publique jusqu’ici, c’est majoritairement en raison du fait que le programme a été qualifié de relation philanthropique avec la ville. Signé par le maire Mitch Landrieu via le programme « NOLA for Life », l’accord n’a pas eu besoin d’être validé par d’autres entités.

Un accès total aux données de la police

Pour mettre ce programme prédictif sur pied, Palantir a eu accès aux données des autorités dès janvier 2013. Comprises dans une base baptisée LexisNexis, les données regroupent les noms, les adresses, les numéros de téléphone, les permis de conduire, les documents déposés auprès des tribunaux et même les données issues des réseaux sociaux. The Verge précise que Palantir a pu avoir « un accès gratuit aux données criminelles et non criminelles de la ville afin de former son logiciel de prévision de la criminalité ». Plus concrètement, cela signifie que les données personnelles de milliers de personnes ont été offertes à une entreprise privée afin que celle-ci tentent de déceler un risque de passage à l’acte criminel. Dans le même temps, ni les citoyens de La Nouvelle-Orléans ni les membres du conseil municipal n’ont été mis au courant du processus. Seul l’entreprise, le maire Mitch Landrieu, l’avocat de la ville et la police étaient informés.

Concernant le fonctionnement du programme, il se basait sur une technique appelée Social network Analysis (SCN), qui consiste à croiser des renseignements issus de plusieurs bases de données. Ces dernières comprennent des informations sur les individus, mais aussi des armes, des lieux, des adresses, des voitures et même des publications sur les réseaux sociaux. Le point déterminant de cette méthode de renseignement est qu’elle décloisonne les informations, de telle sorte que celles-ci peuvent facilement se connecter entre elles. Il est donc possible de mettre en lien des individus entre eux, ou avec des lieux et des événements. Concernant la police, elle n’avait plus qu’à entrer une information clef dans le moteur de recherche pour trouver une information et surtout, la relier à des personnes considérées comme dangereuses. Il suffisait donc qu’un membre de votre famille (même éloigné) ou de votre cercle d’ami à vous ait commis un délit pour que vous puissiez être dans la ligne de mire du système de prédiction.

Le système se basait aussi sur des données criminelles appartenant à la police : balistiques, gang, probation et liberté conditionnelle, appels téléphoniques en prison, système central de gestion des cas (soit toutes les informations du NOPD, précise The Verge)… La dernière base de données était constituée de toutes les informations issues de rencontres entre la police et les citoyens, soit plus de 70 000 fiches. Grâce à toutes ces données et l’établissement de ces connexions, le NOPD a pu obtenir des listes de personnes considérées comme dangereuses par le programme de Palantir. De fait, il pouvait contacter les personnes ciblées en s’appuyant sur le programme CeaseFire. Concernant ce dernier, il permet aux autorités d’interpeller les délinquants ayant déjà un casier judiciaire. La police leur précisent alors qu’elle les poursuivra sans sommation en cas de récidive. Dès lors, l’individu peut faire le choix de collaborer et être convoqué afin d’avoir un accès à une formation professionnelle.

Le programme de Palantir toujours en service ?

Durant ces années, environ 3900 personnes risquant d’être impliquées dans des actes de violences armées ont été listées, que ce soit pour leur lien avec l’auteur d’un crime ou avec la victime.

Si La Nouvelle-Orléans a conservé ce programme de prédiction secret, ce n’est définitivement pas le cas de Palantir. Après sa collaboration avec la ville, l’entreprise privée a vanté ses mérites auprès d’autres autorités des États-Unis. Approché par Palantir, la police de Chicago a fait le choix de refuser l’offre, mais les services ont été proposés, et certainement acceptés, par des entités danoises et israéliennes.

Suite à la mise en place du partenariat en 2012, celui-ci a été reconduit à trois reprises. La dernière a récemment expiré, à la date du 21 février 2018.

Néanmoins, The Verge n’a aucun commentaire de la ville ou de la société indiquant que le programme a été stoppé.

À propos de l'auteur

Louise Millon

J'aime l'univers des technologies, comme ceux de la littérature, des séries et du surf. Je pense qu'il faut mettre le lait après les céréales.

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